Guillaume Cousin fait partie de ces gens qui, comme on a coutume de le dire, agissent dans l’ombre. Au Fuzz’Yon, au Grand R, sur le Festival R.Pop, ce vendéen d’adoption œuvre dans l’air et derrière son pupitre d’éclairagiste pour créer des scénographies et des univers lumineux, accueillir les groupes, les compagnies de danse ou de théâtre, mettre sa patte dans les concerts et spectacles auxquels vous avez pu assister. Il a également participé à de nombreuses créations lumière et accompagné sur la route des artistes comme Florent Marchet, Alexis HK… Doté d’une capacité de bricoleur hors norme, il est aussi depuis quelques années créateur de décors pour le spectacle vivant. C’est sûrement dans son atelier de Longeville-sur-Mer qu’est née une nouvelle vocation, celle de créateur dans le domaine de l’art contemporain et des arts numériques. Répondant à un appel à projet de la Biennale d’Aix-Marseille, « Chroniques », il a été retenu pour mettre en œuvre « Le Silence des Particules », un gigantesque canon de bois capable de créer des anneaux de fumée géants, prenant différentes formes ou différents rythmes selon les séquences dans lesquelles ils sont produits. Une œuvre que l’on a pu voir cet été dans le grand hall du Cyel et que l’on peut voir actuellement à Nantes, programmée par nos collègues de Stereolux dans le cadre du Festival Scopitone.
Il nous explique en quelques mots sa démarche, nourrie par son expérience et surtout, la découverte de la physique quantique.
Quelle a été la genèse du Silence des Particules ? Comment ton parcours a pu t’amener jusque-là ?
Mon parcours m’a créé des outils, des envies – des frustrations parfois !, d’explorer autrement ce que j’avais expérimenté dans le spectacle, c’est à dire l’écriture dans le temps et dans l’espace. Parce que c’est ça la scénographie de la lumière, enfin pour moi en tout cas. Mais profondément ça vient de la découverte de la physique quantique. La physique quantique dit des choses magnifiques, notamment que nous sommes tous constitués des mêmes particules élémentaires, toutes apparues à l’instant du Big Bang. La matière naît seulement quand il y a un événement. En dehors d’un événement, elle n’existe pas. Il y a des évènements longs comme le système solaire, des évènements plus courts comme nous et des évènements encore plus courts, comme les anneaux de fumée du « Silence des Particules » par exemple. Dans notre monde, celui qu’on appelle le monde macrobiotique, c’est une façon de montrer que l’événement est l’avènement de la matière et que cette matière existe partout. Et que bien entendu, le vide n’existe pas, y compris dans ce qui nous entoure, ce volume transparent qu’est l’air.
Comment as-tu découvert la physique quantique ?
Il y a quelques bouquins clés, notamment deux de Carlo Rovelli qui pour beaucoup représente le « Einstein » actuel. Je pense qu’il n’aimerait pas du tout qu’on le décrive comme cela car c’est quelqu’un de vraiment humble. Il est le découvreur d’une théorie qui s’appelle « la gravité quantique à boucles » – c’est très beau ! C’est quelqu’un qui fait aussi beaucoup de vulgarisation scientifique, dans l’idée que la compréhension de cette science-là peut faire changer le point de vue de l’homme sur l’homme, donc peut changer évidemment beaucoup de choses. Ses écrits sont particulièrement accessibles. La première fois que je l’ai entendu, ce devait dans une émission de France Inter, la Tête au Carré, où il était invité. Cela m’a vraiment absorbé et ensuite j’ai beaucoup lu de ses écrits et d’autres.
C’est là que tu as fait le parallèle avec ton boulot ?
Oui, et notamment avec les fluides, le lien que l’on entretient avec eux : l’eau, l’air, j’aurais tendance à y mettre aussi la lumière avec, car il y a des mécanismes de fonctionnement qui sont identiques. Ces médias-là ont quelque chose de très particuliers pour nous car on les vit, on vit dans la lumière, on vit dans l’air, on les ressent autour de nous mais sans jamais les interroger. On va les ranger dans une partie inconsciente de notre cerveau, de toute manière nos sens les captent, donc ils sont forcément rangés, répertoriés quelque part. Du coup ils ont une interaction avec nous aussi, quand on voit des phénomènes ou que l’on vit des phénomènes en lien avec ces fluides, ils vont réveiller cette mémoire-là. Donc pour moi c’est un parallèle magnifique avec ce que l’on est mais qu’on ne perçoit pas, ce lien à la matière profonde.
Tu te décris comme un artiste physicien? Ou même écologiste ?
Comme un chercheur-expérimentateur. Et le lien à l’écologie, oui, il est dans le présent. Les choses ne peuvent plus durer comme ça donc il faut bien trouver un moyen de les changer. Mais la conscience écologique prend une autre dimension quand on la regarde par le prisme de la physique quantique. Selon cette science, nous sommes une seule grande et même chose, nous l’humanité, nous la terre, nous l’univers. De ce point de vue là, la question de l ‘écologie, la question du racisme, la question de l’empathie… si on est tous la même chose, toutes ces questions-là ne se posent plus. C’est en cela qu’à mon avis il y a une possibilité d’ouverture vers un nouveau paradigme, une forme de réponse à ce que tout le monde attend avec angoisse, un changement véritable des bases de l’humanité. C’est pour cela que j’espère que la révolution quantique va pénétrer notre société. Mais c’est pas gagné ! Einstein c’était le début, ça a 100 ans et personne n’y pipe rien ! Il y a encore un gros boulot de vulgarisation.
« Le Silence des Particules » permet de montrer l’invisible et de poser ces questions?
Au moins de montrer que le vide n’existe pas. Ce qui est déjà un point de départ intéressant pour s’interroger sur la question du réel. Quels moyens nous, petits hommes, avons-nous pour juger le réel ? Les cinq sens ? Ils sont assez limités, à voir ce que d’autres animaux peuvent capter de notre monde, on est quand même assez faible sur nos perceptions. Puis on a notre savoir, qui analyse ce que nous donne ces sens. Et là aussi, si on regarde l’horizon, la Terre est plate, c’est indéniable ! Donc notre savoir il est sans cesse en évolution, et il fait évoluer l’analyse de nos sens. Il y a un lien entre nous et l’univers qui se fait par la connaissance.
Pour revenir avec des choses un peu plus « terre à terre », il en faut!, comment s’est fait le passage entre ces réflexions et le passage à l’acte ? J’y vais, j’écris, je dessine et puis je propose? N’étant pas inscrit dans ce circuit de l’art contemporain, de l’art numérique jusqu’à présent, comment t’es-tu dit « allez j’y vais »?
Cela m’a pris beaucoup de temps de résoudre cette question. Il y a beaucoup d’envies d’écriture avec le temps et l’espace, qui sont nées de ce travail d’éclairagiste, cela a été le premier moteur. Puis, comme pour tout le monde, il y a toujours une question d’égo qui pousse à faire quelque chose, une question de revanche. A un moment, ma vie, mon échec scolaire ont nourri cette envie de revanche. Le second moteur, c’est justement d’avoir pu évacuer cette partie d’égo, parce que j’ai pu observé chez de nombreux artistes que ce n’était pas un bon moyen de monter sur scène. En tout cas ce n’était pas le moyen que je souhaitais. Puis, en construisant mon propos, c’est devenu une nécessité. En construisant ce discours sur le monde, sur la physique quantique, ça a été porteur de tellement d’optimisme pour moi que ça devenait important de le montrer.
Et très clairement, une fois que j’ai eu décidé d’arrêter la tournée pour consacrer plus de temps et d’énergie à cette recherche dans l’art contemporain, à partir de ce moment-là, ça a tout d’un conte de fées. C’est un schéma assez rare, les étoiles se sont bien alignées : j’ai fait un seul dossier pour une biennale qui s’appelle « Chroniques » à Aix-Marseille, que je faisais vraiment dans l’idée de m’exposer à la page blanche, de m’exposer à la lecture de quelqu’un mais c’était quand même une grosse biennale, qui finance des projets – ce qui est rare, et je ne m’attendais absolument pas à être pris. Et en fait si !
Et là il a fallu y aller. Je pense que les armes de scénographe et de constructeur sont de supers outils, et puis avoir été dans l’observation des artistes pendant 20 ans, c’est aussi un outil super agréable. Quand dans la création ou la construction je traverse des phases de frustration, d’angoisse ou de doute, je me dis oui, c’est normal, ça fait partie du processus et ça apaise bien la chose.

Les projets futurs ?
J’ai beaucoup d’envies, la difficulté c’est de les ordonner. Il y a quand même une attente, le Silence des Particules a eu son petit succès, c’est presque plus difficile de proposer une deuxième quand la première a réussi.
C’est un peu comme pour les musiciens, tu as réussi ton premier album, on t’attend au tournant pour le 2ème.
Exactement ! J’ai quand même envie de pousser cette veine de la sculpture d’air, de la sculpture immatérielle, de révéler l’invisible, c’est au cour de la démarche, donc j’ai envie de m’affirmer dans cette voie-là et dans le travail autour des fluides. En tout cas la prochaine, si elle doit se faire comme il se doit, ce sera aussi une sculpture d’air, de volume, immersive, qui sans doute s’approchera un peu plus d’une sensation de spectateur. Même si dans le Silence des Particules, il y a aussi une position de spectateur, le projet sera beaucoup plus immersif, on sera vraiment dans le mouvement d’air.
Le Silence des Particules – Festival Scopitone
Du 12 au 22 septembre à l’ancien MIN de Nantes
Cellule 32
Toutes les infos : https://www.stereolux.org/agenda/guillaume-cousin
Pour en savoir plus sur Guillaume Cousin et son travail :
http://www.guillaumecousin.fr/portfolio_page/le-silence-des-particules-guillaume-cousin/

A l’action culturelle, à la programmation jeune public, premières parties, à l’accompagnement, à l’approvisionnement du bar au Fuzz’Yon. Et brasseur, permaculteur et éleveur de poules amateur à la maison.